L’effet Barnum, ce vilain séducteur

Etes-vous fan de la lecture de l’horoscope le matin? Vous êtes-vous déjà reconnu à de multiples reprises dans le dernier livre de développement personnel à la mode : « Je suis bizarre mais c’est parce que je suis un génie avec un gros QI »? Vous a-t-on déjà prédit votre avenir, assez justement, dans un jeu de tarot? Ou pire……vous êtes-vous déjà reconnu dans la description MBTI de l’INTJ super intelligent avec 100 coups d’avance, ou celle de l’ENTP, le type trop marrant qui a une répartie d’enfer et des idées vachement créatives et surprenantes, ou bien encore l’INFJ, ce type si rare et si intellectuellement profond, en phase avec le monde?
Si la réponse est oui, à l’une ou plusieurs de ces questions, il se peut que vous ayez été victime de l’effet Barnum! Nulle crainte : ce n’est pas mortel (la plupart du temps) et on en guérit vite : je vous prescris une bonne dose d’esprit critique et de recul, et vous devriez vite être sur pieds.

(Disclaimer : je ne porte en rien un jugement sur les croyances d’autrui. Vous êtes bien entendu libre, Chère lectrice et Cher lecteur, de celles-ci et sachez que cette introduction est à prendre avant tout avec humour. Néanmoins, j’espère que cet article vous éclairera sur ce phénomène dont nous sommes tous victimes à un moment ou un autre. Je vous souhaite une très bonne lecture!)

 

L’effet Barnum, ce grand coquin :

L’effet Barnum est un biais cognitif, c’est à dire une mauvaise compréhension/interprétation de l’esprit liée au contexte et à ses circonstances d’analyse. Comme son nom l’indique, il biaise la pensée logique et rationnelle de l’individu, l’amenant alors à des conclusions erronées. Dans le cas qui nous intéresse, il peut s’agir par exemple de se reconnaître dans une description MBTI qui n’est néanmoins pas la nôtre. Il est possible de trouver ce biais sous différentes appellations telles que l’effet Forer ou l’effet de validation personnelle/subjective (rien que le nom nous met un peu sur la voie de ce que peut être cette grosse bêbête 😉 ).
Un biais cognitif que l’on rencontre fréquemment est par exemple le biais de confirmation. Dans ce cas, un individu (victime de ce biais) aura une vision, un modèle du monde, et ne sera sensible qu’à ce qui va dans son sens. Par exemple, si on imagine que selon lui, tous les petits vieux (et seulement eux) ne respectent pas leur place dans les files d’attente des magasins, il est certain que si une personne âgée ne respecte pas son tour, l’individu le remarquera immédiatement. Ainsi, si objectivement, sur 10 petits vieux dans le magasin, un ou deux ont commis L’OUTRAGE de ne pas respecter leur place, notre sujet d’expérience ne tiquera que sur eux. Il sera donc conforté dans sa vision du monde. Or, s’il prend un peu de recul, il est possible qu’au final, il se rende compte que moins de 20% des petits vieux ont réalisé l’action qu’il attendait, donc objectivement, la majorité des vieux dans cette expérience n’a pas confirmé son modèle. S’il prend encore un peu plus de recul, il verra que 3 adolescents sur les 7 présents ont fait la même chose, ainsi que 4 adultes sur 12. Ce qui nous laisse entrevoir qu’une partie, minoritaire, de la population, pas seulement les vieux, a tendance à ne pas respecter les files d’attente. (Je vous encourage à être vigilant par rapport à ce fameux biais de confirmation : il a un effet très pervers et modifie, en faux, notre vision du monde, en particulier dans des domaines tels que la politique et la sociologie).
Pour en revenir à l’effet Barnum, ce-dernier permet à une description (de personnalité, d’avenir etc) d’être suffisamment non discriminante et séduisante pour que la majorité des personnes s’y reconnaissent. Au cours de leurs travaux, les psychologues Dickson et Kelly mirent en lumière que trois critères essentiels doivent parsemer une telle description afin de garantir un effet Barnum efficace :

  • le sujet qui la lit doit-être persuadé qu’elle ne s’applique qu’à lui seul (pseudo restriction de l’échantillon)
  • le sujet doit reconnaître l’autorité de l’évaluateur (exemple : penser que Madame Irma a bel et bien des pouvoirs de voyance, ou que John Beebe, fameux psychologue, a donc autorité pour établir un modèle psychologique)
  • la description, l’analyse doivent présenter essentiellement des traits positifs

Voilà un exemple de ce type de description, réalisée par Bertram Forer :

« Vous avez besoin d’être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable que vous n’avez pas encore utilisé à votre avantage. À l’extérieur vous êtes discipliné et vous savez vous contrôler, mais à l’intérieur vous tendez à être préoccupé et pas très sûr de vous-même. Parfois vous vous demandez sérieusement si vous avez pris la bonne décision ou fait ce qu’il fallait. Vous préférez une certaine dose de changement et de variété, et devenez insatisfait si on vous entoure de restrictions et de limitations. Vous vous flattez d’être un esprit indépendant ; et vous n’acceptez l’opinion d’autrui que dûment démontrée. Vous avez trouvé qu’il était maladroit de se révéler trop facilement aux autres. Par moments vous êtes très extraverti, bavard et sociable, tandis qu’à d’autres moments vous êtes introverti, circonspect et réservé. Certaines de vos aspirations tendent à être assez irréalistes. »

Mais quel est le rapport avec le MBTI?

Effet Barnum et MBTI :

L’étude de l’effet Barnum est fondamental pour parvenir à démêler le vrai du faux dans de nombreux domaines comme l’astrologie, la politique, la graphologie, la séduction et nombre de pseudo-science, nom dont est souvent paré le MBTI. En tant qu’auteur d’un blog destiné à ce modèle psychologique, il peut paraître étrange de ma part de m’avancer sur ce terrain, néanmoins, il faut être honnête : le MBTI est porteur d’une partie de pseudo-science et d’effet Barnum. Sans être exhaustif, voilà deux raisons qui selon moi démontrent que cette théorie est emprunte d’effet Barnum :

  1. C’est trivial, mais c’est un modèle de sciences humaines qui par définition reposent sur des modèles statistiques, donc soumis à des approximations. Le test de personnalité le plus exploité et « reconnu » par la communauté de psychologie est celui du Big Five. Néanmoins, ce-dernier est également empli d’approximations et « d’à peu près » (bien que relativement fiable, à mon humble avis).
  2. Malheureusement, le MBTI manque encore beaucoup d’ouvrages et d’études sérieuses pour être validé ou invalidé, ou du moins, pour voir ses limites correctement et rigoureusement définies. Conséquence directe et implacable : Internet regorge d’informations sur le sujet dont la validité est parfois plus que douteuse. En outre, certains auteurs en offrent une interprétation personnelle, d’autres, s’étant trompés de type MBTI lors de leur test, pensent à juste titre décrire CE type à travers leur expérience personnelle mais en donnent au contraire une idée erronée, et enfin, certaines descriptions ont un côté parodique et humoristique, mais beaucoup de néophytes ne le comprennent pas. Par exemple, pour savoir « comment sortir chaque type MBTI de sa déprime » on pourra trouver qu’un bon débat sort toujours l’ENTP de son état de dépression (bien entendu, it’s a joke^^).

Ce qui fait, à mon sens, la plus grande force et la plus grande faiblesse pour le succès du MBTI est sa description en archétypes (le Commandant, le Directeur, le Défenseur, le Mentor, le Virtuose etc). En effet, cela parle à l’esprit humain qui, pour raisonner, a besoin de catégoriser les choses et les personnes. L’ennui, c’est que les descriptions rendent compte d’actions et de comportements qui sont la CONSEQUENCE d’un processus cognitif, mais qui ne sont pas spécifiques à un type ou à un autre. Petit exemple : avoir tendance à prendre le « commandement du groupe » :

  • Un ENTJ le fera naturellement car sa pensée extravertie Te le pousse à impacter son environnement, et une manière efficace d’y parvenir est par le biais des autres personnes
  • Un ENTP pourra faire de même si une idée le tente et qu’il a besoin de personnes pour la réaliser
  • Un ISFJ pourra également s’imposer s’il sent que personne d’autre ne le fera au sein du groupe

Ainsi, l’idée ici n’est pas de voir « qui est capable de commander » mais POURQUOI celui qui s’est mis à commander l’a fait. Or c’est le problème : les descriptions des différents groupes sont parfois trop positives (vous vous souvenez? Le troisième point de la liste de Dickson et Kelly) et également trop « stéréotypiques ». Ainsi, elles pourront produire un effet Barnum, invitant certaines personnes à se reconnaître dans des profils qu’elles aimeraient être plutôt que dans le profil qu’elle sont réellement. Aussi, ces descriptions qui, à mon sens, sont hyper attractives pour les nouveaux du MBTI, peuvent malheureusement nous induire en erreur, que ce soit dans le fait de se reconnaître ou justement, ne pas se reconnaître dans une description (là, on serait carrément dans un effet ANTI-BARNUM!!!! WAHOU ! :O ).

La Fiesta Barnum :

Au sein des descriptions de groupes de ce blog, je ferai donc une partie fiesta Barnum, c’est-à-dire une description (si agréable à lire) du groupe dont il sera question, mais ce nom sera une manière de vous rappeler qu’il y a sans doute une part non négligeable de ce descriptif qui reste barnumisé! Je crois que tout est dit. Je vous encourage à garder un esprit critique et à douter en permanence. Trop nombreux sont les ISFJ se confondant avec des INFJ et repoussant cet esprit critique du fait de l’aspect si séduisant des descriptions INFJ, ou encore, les personnes se pensant ENTP car elles ne sont jamais d’accord avec ce qui est dit. Mais j’ai une petite info pour eux : ne jamais être d’accord avec les autres et faire chier en permanence pour essayer d’attirer l’attention, ce n’est pas un privilège réservé aux ENTP, car des cons, il y en a dans tous les groupes 😉

Aller, sur ces belles paroles, je vous laisse méditer et vous dis à bientôt!

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