De la pertinence scientifique du MBTI®

<Si le MBTI® vous est totalement inconnu ou bien que vous avez besoin de quelques rappels, voilà un article pour vous aider. Bonne lecture! >

Comme vous vous en doutez très certainement, un esprit averti s’interrogeant sur les fondements scientifiques d’un modèle (le MBTI® étant un modèle de psychologie cognitive) se doit de questionner entre autres choses la source de ses informations. Dans cet article, votre source, c’est moi, faisant le pont entre beaucoup de choses (articles, livres, expérience personnelle) et vous. Il ressort de cela que je suis soumis à de nombreux biais, comme celui de confirmation. En outre, on peut sans grand risque questionner mon impartialité après avoir rédigé plus de cinquante articles sur ce blog : il semblerait difficile à croire que j’embrasse la thèse selon laquelle la MBTI® est un ramassis de conneries. Et pourtant, c’est plus ou moins la trame de cet article : apporter une nuance aux prédictions que le MBTI® est supposé nous apporter.
Pourquoi vous dis-je cela? Il y a deux grandes raisons :

  1. Au cas où cela n’aurait pas encore transparu au cours de votre lecture, j’aspire à ce que les personnes qui me font l’honneur de me lire ne prennent pas pour argent comptant ce que je raconte et qu’elles le questionnent.
  2. Cet article est une sorte de melting pot de la réflexion qu’est la mienne sur le MBTI® à l’heure d’aujourd’hui. Aussi, elle est potentiellement vraie, mais potentiellement fausse (et sans doute un peu des deux). En effet, ce modèle ne fait pas l’unanimité au sein du corps de la recherche en psychologie, mais il n’a pas non plus été jeté à la poubelle.

Bref, trêve de blabla, passons donc aux choses sérieuses.

L’origine du modèle :

Le papa du MBTI® fut Carl. G. Jung (le nombre de fois où j’ai marqué ça…. La culture, c’est comme la confiture, quand on n’en a pas beaucoup….vous connaissez la suite). C’est après des centaines d’entrevues avec ses patients qu’il fut capable d’établir les bases de ce modèle. Ainsi, il s’agit d’une synthèse d’une expérience de plusieurs décennies, réalisée par un homme considéré comme un génie de son temps.
Mais là est le problème, de son temps : il manquait principalement à Jung les moyens de vérifier ses allégations, grâce par exemple à des IRM fonctionnelles, ou de bonnes vieilles études en double aveugle (ses dates de vie sont 1875-1961, histoire que vous situiez un peu le bonhomme).

Mais si Jung a bien posé les bases des fonctions cognitives, il n’est pas le créateur du MBTI® à proprement parler. Ce sont deux américaines, qui donnèrent leur nom au modèle en le créant : Isabel Briggs Myers et Katherine Cooks Briggs.
Ces deux personnes n’étaient pas des psychologues. Elles encadraient des équipes de travail majoritairement féminines (durant la deuxième guerre mondiale, les hommes étant en guerre, les femmes ont vu leur taux d’emploi augmenté) et se sont servies des travaux de Jung pour établir des archétypes afin de les aider à créer des équipes de travail les plus performantes possibles. Là encore, c’est en se fondant sur une expérience avec des dizaines de personnes qu’Isabel et Katherine établirent ce modèle, proposé en 1962.

Synthèse :
Ce modèle est issu de l’expérience de personnes ayant eu un rapport assez proche et intense avec la psychologie cognitive « appliquée ». En cela, on peut arguer que ce modèle repose sur une des bases que doit vérifier la science : être descriptive. Jung a décrit ce qu’il voyait dans le comportement de ses patients, Briggs et Myers ont décrit ce qu’elles voyaient dans le comportement de leurs équipes.
Le problème dans la pertinence qui se pose est que les individus qui l’ont établi avaient leur propre subjectivité dans la description de ce qu’ils voyaient. En outre, ils manquaient, comme je l’ai énoncé pour Jung, de moyens de vérification modernes pour étayer leur argumentation.

L’actuel usage du modèle :

J’évoquais tantôt la vision de la recherche en psychologie sur ce modèle : il me semble que majoritairement, les chercheurs voient ce modèle comme archaïque est insuffisamment fiable (cela étant à mettre en balance avec le fait que des docteurs en psychologie comme John Beebe y dédient leur carrière, sans compter ceux qui s’en servent ardemment avec leurs patients). Dans la littérature psychologique, le modèle essentiellement employé est celui du Big Five. Je vous encourage à vous renseigner sur la chose (n’ayant pas encore écrit d’article trop stylé sur la question pour vous y rediriger 😉 ) car c’est très intéressant. Ce Big Five contient beaucoup d’éléments en commun avec le MBTI® (il faut comprendre par là qu’une partie au moins de ce modèle contient du vrai). Le premier « big » des « five » étant….tattatata roulement de tambours : l’extraversion vs l’introversion.

De plus, bien que le MBTI® ne soit pas employé en majorité dans la littérature psychologique, il est néanmoins beaucoup utilisé dans l’industrie (essentiellement outre Atlantique, mais de plus en plus en France également, bien que cela porte une multitude d’autres noms). Je reconnais que les us et coutumes de l’industrie ne garantissent pas la vérité (#lesRéunionsSansFinEtInutiles….) mais disons que c’est un gage de « ça fonctionne un minimum ». J’ai rarement eu à passer des tests sur mon horoscope dans le cadre des entretiens professionnels, en revanche, des tests calqués sur les questions du MBTI®, il y en a eu beaucoup.

L’expérience personnelle :

Un des tests qu’un modèle scientifique doit passer est celui de sa capacité à prédire : la raison pour laquelle le modèle de mécanique de Newton est « validé » (en physique classique) est simplement le fait que les calculs reposant sur ce modèle pour une boule de bowling, un ascenseur qui tombe etc, prédisent bel et bien le résultat de l’expérience réalisée dans le réel.
Il s’avère qu’après quelques années à m’intéresser à ce test, je parviens à prédire relativement bien le type MBTI® de gens que je connais un peu. Si ce test n’avait aucune faculté de prédiction, cela serait impossible.

Cet argument peut sembler un peu fumeux, mais disons qu’en ce qui me concerne, il me convainc d’une chose : le MBTI® contient une dimension descriptive suffisante pour pouvoir faire des prédictions.

L’arborescence trop imposante de la théorie :

Tel que le modèle existe, il peut être employé de deux grandes manières : soit en utilisant les polarités (E/I, N/S, F/T, J/P) soit en employant la constitution des fonctions cognitives d’un individu (Ti/Te, Fi/Fe, Ni/Ne, Si/Se). Bien que les tests « fiables » doivent reposer sur les 8 fonctions, il s’avère que c’est l’usage des polarités qui rend plus facile l’application pratique du MBTI®. Par exemple dans la communication familiale/matrimoniale/professionnelle (du moins, tel que je l’ai vue employée en situation concrète)/
La théorie des fonctions cognitives s’est étoffée : elle contient aujourd’hui la partie « ombre« . Et on se retrouve alors devant un problème : celui du modèle trop vaste pour être discriminant. Je vais essayer de préciser cette idée en faisant une analogie avec l’astrologie (vous êtes bien entendu libres de penser que cette théorie tient la route. En ce qui me concerne, ce n’est pas le cas pour une raison simple : je ne saisis pas comment, si vous naissez un jour avant ou un jour après, cela peut modifier à ce point votre « signe » et donc votre comportement. Mais je vous laisse libres de vos opinions bien sûr!) :
Théoriquement, le MBTI® permet de discriminer des comportements. Par exemple, les individus qui ont tendance à beaucoup agir dans le monde « palpable/physique » avec une vue pragmatique de l’action auront très probablement la fonction Te en fonction dominante ou auxiliaire (donc les XXTJ : INTJ, ENTJ, ISTJ, ESTJ). Or, ce comportement « hyper actif et pragmatique dans le monde physique » pourra se retrouver chez chaque humain. Ainsi, les groupes n’ayant pas Te en première ou deuxième fonction seront considérés comme étant dans leur « ombre » quand ils sont dans ce mode hyper actif. On se retrouve avec un problème simple : le modèle perd sa valeur prédictive s’il ne discrimine plus efficacement un comportement par groupe.
Dans l’idée de l’astrologie, c’est un peu comme si vous disiez « tu agis comme ça donc tu es lion » mais que la date de naissance de la personne soit celle d’un poisson. On expliquera alors son comportement de « lion » avec le fait qu’elle est certes poisson, mais avec ascendant « jupiter « ou autre : lorsque l’on dote le modèle d’une trop grande arborescence, il peut alors expliquer tout et n’importe quoi, et n’explique donc plus rien.

C’est pour cette raison que j’ai tendance à faire « confiance » à la partie plutôt descriptive du MBTI, mais à prendre avec des pincettes sa complexification (le fait que si vous êtes un ISTJ, alors votre 2ème fonction d’ombre sera Ti donc lorsque vous serez en stress, vous agirez comme si ou comme ça). D’une part, cela n’a jamais été vérifié, d’autre part, il faut se rappeler ce que l’on cherche à modéliser : l’esprit humain. Il serait surprenant que mère nature soit aller jusqu’à créer une sorte de magnifique édifice psychologique dans lequel vous avez un amoncellement bien précis de réactions qui forment un ensemble joli que l’on peut élégamment établir comme dans les tableaux du MBTI® et qui fait très esthétique lorsqu’on lui attribue des mentions comme « démon, trickster, parent critique » etc.

Conclusion :

De la compréhension que j’ai du MBTI® et des mécanismes de l’esprit humain, cet outil fonctionne relativement bien lorsqu’il est employé pour des réactions « simples » : notre rapport aux autres lorsque l’on est en groupe, notre intérêt pour l’aspect d’un problème, notre stratégie dans les grands aspects de notre vie. Cependant, il perd de sa valeur descriptive et surtout prédictive lorsqu’on tente de l’appliquer à des processus trop complexes comme les réactions au stress véritablement violent ou aux raisons qui nous poussent à tomber amoureux, ou à faire le deuil d’une relation. Je tenais à appuyer ce dernier point, car je sais que beaucoup de personnes qui s’intéressent au MBTI® le font en ayant en tête ce point particulier. Que ce soit la prédiction des couples (ENTP avec INFJ et compagnie), de la dynamique romantique ou de ce qui plaît chez l’un ou l’autre, le MBTI est (des lectures que j’ai fait sur la chose) inapte à nous donner des indications fiables. Et pour des raisons simples : non seulement notre génétique nous oriente vers tel ou tel individu, mais également notre culture, nos modèles familiaux et surtout parentaux. Je puis vous garantir que deux ENTP, élevés par des couples de parents ayant des valeurs sur l’amour très différentes, auront des attentes amoureuses, donc de type, différentes.

J’espère que cet article, reposant surtout sur une évaluation personnelle, vous aura éclairés. Je vous dis à bientôt,

L


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